jeudi 16 août 2007

Quand tu aimes, il faut partir


Ce livre, je l'ai acheté sans même savoir pourquoi. Enfin si, parce qu'il était une seconde main soldée de début août chez Gibert. J'ai fouillé dans les grandes caisses qu'on avait installées dehors, côté boulevard Saint-Michel, et j'ai emporté celui-là, et puis Les étoiles filantes, de Jacques Bellefroid, tous les deux à cause de leur titre, alors voilà...


Ce n'est pas tout à fait un roman, ni tout à fait un essai, plus un journal intime, arrangé au goût du dehors, sans fin, sans début, sans organisation - au premier abord.


"C'est drôle, quand je pense à ceux qui ont aimé avant moi,ce sont d'abord des hommes qui me viennent à l'esprit. Nerval, Verlaine, Schwob. Kafka. J'ai l'impression de si bien les comprendre. Parce que j'ai de la tendresse pour les premiers, et parce que je suis amoureuse de Kafka. Comprend-on vraiment mieux ceux qu'on aime ?

Ce que je suis, c'est toutes les femmes, parce que nous sommes toutes des amoureuses, la Parisienne crétoise sautant entre les cornes des taureaux, Ariane donnant le fil à Thésée, puis, abandonnée par lui, aussitôt battant la campagne avec Dionysos, Nausicaa jouant à la balle et découvrant Ulysse nu sur une plage, Sappho toute entière dédiée à l'amour et à la poésie, Phèdre contre les lois sociales éprise de son gendre, Antigone pour son frère debout face à la Loi, Mélusine femme-fée-serpent, et aussi la femme de Barbe Bleue glissant la clef dans la porte interdite, le Petit Chaperon Rouge gambadant à la rencontre du loup dans la forêt, et Ondine dans la rivière qui pleure son chevalier errant, Emma saoule de son Rodolphe, je suis toutes ces femmes sauf Pénélope, toutes ces femmes tour à tour impatientes, insaisissables, insoumises, joueuses tragiques ou joyeuses, jouisseuses, fragiles mais plus fortes que fragiles, aventureuses, libres.

Et ce que je veux, c'est l'amour, l'amour insouciant et celui qui remet tout en question, celui qui fait renaître, l'amour-passion, l'amour de loin, le fin amor, celui qui vous force à vous dépasser, l'amour platonique, l'amour sexuel, l'amour léger, l'amour sombre, l'amour lumineux, l'amour-tendresse, l'amour fidèle, l'amour infidèle, l'amour jaloux, l'amour généreux, l'amour libre, l'amour rêvé, l'amour-adoration, l'amour mystique, l'amour-pulsion, l'amour qu'on fait, l'avant, le pendant et l'après-amour, l'amour qui brûle, l'amour pudique, l'amour secret, l'amour crié, l'amour qui fait mal au ventre, l'amour qui fait bon au ventre, l'amour qui paralyse et celui qui donne des ailes, l'amour à mort, l'amour à vie, le premier amour, l'amour perdu, l'amour blessé, le prochain amour, parce qu'il n'y a pas de modèle, parce qu'il faut inventer ses amours, inventer sa vie."


"Jusqu'où faudra-t-il remonter pour trouver la cassure ? Les années d'enfance ? Je l'ai dit, une jeune bête. Volontaire, coquête, fière, bagarreuse. Il n'y a peut-être pas d'autre cassure que la nostalgie de cet état-là. Pas d'autre cassure que la succession infinie des déchirures imposées par le temps qui passe, la succession de toutes ces vies, tous ces amours, tous ces êtres, tous ces endroits, tous ces livres, tous ces moi, abandonnés et à jamais perdus... Pas d'autre cassure que celle de tous ces départs, anciens et à venir, car lorsqu'on a commencé à partir, voudrait-on s'arrêter ?"

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